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jeudi 5 juin 2014

Article: Ukraine conflict - Jacques Sapir [Eng et Fr]

 http://russeurope.hypotheses.org/2344

Guerre civile en Ukraine

3 juin 2014
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Les évènements en Ukraine orientale depuis le 25 mai ont donné tristement raison à ceux qui prédisaient le déclenchement d’une guerre civile. Il n’est pas un jour sans que l’on ait des nouvelles très inquiétantes de ce qui se passe dans ces régions, sans que l’on annonce des morts, que ce soit au sein des insurgés, de la population civile – qui paye un lourd tribut – ou parmi les forces du gouvernement de Kiev. L’emploi par le gouvernement de Kiev de moyens militaires importants, hélicoptères de combat, avions à réaction qui ont bombardé la ville de Slaviansk le 2 juin (ce qui a été confirmé par l‘OSCE), voire de lance-roquettes d’artillerie, est tout particulièrement à noter. Il y a de cela près de trois ans, les gouvernements occidentaux – dont le gouvernement français – s’étaient émus de l’emploi de ce type d’arme dans la guerre civile en Syrie. Plus avant, lors de la guerre civile en Libye, l’argument du massacre des populations civiles avait été employé pour justifier ce qu’il faut bien appeler une intervention militaire. Il est frappant de constater le silence assourdissant de ces mêmes gouvernements alors que le gouvernement de Kiev utilise exactement les mêmes forces contre les insurgés. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a véritablement deux poids et deux mesures avec lesquels sont pesées les vies et les destinés des uns et des autres. La haine de tout ce qui est russe et vient de Russie aveugle suffisamment une partie de la presse et des intellectuels en France, à l’exception d’Emmanuel Todd, pour que nul ne s’étonne de ce silence assourdissant des « bonnes âmes ».

L’élection présidentielle du 25 mai, qui a vu l’élection dès le premier tour de M. Porochenko comme président, n’a pas conduit, là aussi comme on le pressentait, à une amélioration de la situation. M. Porochenko n’a été élu que dans l’Ouest et la partie centrale du pays. Sa légitimité reste contestable. Il pourrait la construire, s’il se décidait à ouvrir un dialogue immédiat avec les insurgés et surtout à interrompre immédiatement les opérations militaires. Car il faut ici rappeler que ces insurgés se sont levés contre le gouvernement de Kiev mais pas nécessairement contre l’Ukraine. Des discussions avec des personnes représentants la « République du Donbass », de Donetsk et de Slaviansk, montraient jusqu’à ces deux dernières semaines la présence d’un fort ressentiment contre le gouvernement provisoire mais aussi l’acceptation de principe de la participation à l’Ukraine. Les revendications des populations de l’Est de l’Ukraine, qu’elles soient linguistiques ou culturelles, n’apparaissent pas comme déraisonnables1. La demande pour une « fédéralisation » de l’Ukraine aurait dû, et devrait encore, être entendue. Mais la violence des combats qui déchirent les régions de Donetsk et Slaviansk, la peur qui s’installe désormais à Odessa, en proie à l’action des milices d’extrême-droite, est en train de faire basculer une partie des habitants vers un véritable séparatisme, et vers l’idée que le seule solution pour eux réside dans une union avec la Russie.
Les lecteurs de ce carnet le savent, j’ai défendu depuis le début de cette crise la thèse d’une unité de l’Ukraine, parce que c’était la solution qui me semblait politiquement la plus adéquate. Une scission du pays provoquerait des répercussions en chaîne à la fois dans la région et au sein de l’Union européenne qui se retrouverait avec la responsabilité de la gestion d’une Ukraine croupion, réduite aux régions de l’Ouest et du centre. Il est à craindre que, dans cette situation, les habitants de Lviv (L’vov) demandent leur rattachement à la Pologne. Seule la fédéralisation de l’Ukraine pourrait enrayer ce processus. Mais elle exige que les armes se taisent et que le gouvernement de Kiev accepte de négocier avec les insurgés. C’est une réalité de l’Histoire : on négocie rarement avec ses amis ! Sinon, c’est l’existence même de l’Ukraine qui risque d’être mise en question.

  1. Recknagel C., « What Are Eastern Ukraine’s (Legitimate) Grievances With Kyiv? », RFE/RL []


Civil War in Ukraine

3 juin 2014
Par
Kindly translated by Anne-Marie de Grazia
The events in Eastern Ukraine since May 25th have sadly proven right those who predicted the unleashing of a civil war. Not a day goes by without very sad and disturbing news about events in these regions, without the news of deaths either among the insurgents and the civilian population – which is paying a heavy tribute – or among the Kiev government forces. The use by the Kiev government of important military means, of combat helicopters, of jets bombing the city of Slaviansk on June 2nd[1], as well as of artillery rocket launchers is particularly noteworthy. This had been confirmed by the OSCE[2]. Three years ago, Western governments – the French government among them – had shown dismay over the use of this type of weapons in the civil war in Syria. Somewhat earlier, during the civil war in Libya, the argument of the massacre of civilian populations had been used to justify what one cannot but call a military intervention. One is struck to note the deafening silence of these same governments when the Kiev government is using exactly the same military power against the insurgents. And one cannot help thinking that there exists indeed a double standard according to which the lives and the destinies of the ones are measured against the others. The hatred of all that is Russian and all that comes from Russia is sufficiently blinding part of the press and of French intellectuals, with the exception of Emmanuel Todd [3], that there is no need to wonder much about this deafening silence of the “beautiful souls.”

The Presidential election of May 25th, which has seen the election of Mr Porochenko in the first round, has not brought about, again according to expectations, any amelioration in the situation. Mr Porochenko has been elected in the West and in the central part of the country. His legitimacy is to remain questionable. He might be able to rebuild it if he decides to open an immediate dialogue with the insurgents and above all to put an immediate halt to military operations. For it must be pointed out that the insurgents have risen against the Kiev government but not necessarily against Ukraine. Discussions with people representing the “Republic of Donbass,” from Donetsk and Slaviansk, showed until these past two weeks the existence of a strong resentment against the provisory government, but also an acceptation in principle of a participation in Ukraine. The demands of the populations of Eastern Ukraine, be they linguistic or cultural, do not appear unreasonable [4]. Their demand for a « federalisation » of Ukraine should have been, and should still be listened to. But the violence of combats tearing up the regions of Donetsk and Slaviansk, the fear settling over Odessa, which is prey to the actions of militants of the extreme-right, are in the process of swinging over part of the inhabitants to real separatism, and to the idea that the only solution for them resides in union with Russia.

The readers of this carnet know that I have since the beginning of this crisis defended the thesis of the unity of Ukraine, because it was the solution, which appeared to me politically most adequate. A scission of the country would provoke chain reactions in the region as well as within the European Union, which would find itself saddled with the responsibility of managing a rump Ukraine, reduced to its Western and Central regions. It is also to be feared that, in such a situation, the inhabitants of Lviv (L’vov) would ask for their unification with Poland. Only a federalisation of Ukraine could keep such a process in check. But it requires that the arms go silent and that the Kiev government accept to negotiate with the insurgents. Such is the reality of History: one rarely negotiates with one’s friends! Otherwise, it’s the very existence of Ukraine, which risks to be called into question.

[1] http://www.herodote.net/_L_Ukraine_et_la_tentation_de_la_guerre_-article-1469.php
[2] Recknagel C., « What Are Eastern Ukraine’s (Legitimate) Grievances With Kyiv? », RFE/RL, http://www.rferl.org/articleprintview/25402922.html
[3]http://rt.com/news/163352-ukraine-airstrike-lugansk-missiles/

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