Par Valentin Myndresescu – 2 juin 2014
La guerre civile en Ukraine s’intensifie
et l’intransigeance de la junte kiévienne réduit de jour en jour les
chances de règlement diplomatique. Dans ce contexte il est inévitable de
se poser la question de savoir si l’Ukraine a un avenir en tant qu’Etat
unitaire, fédéral ou confédéral ou si au contraire, si les forces
centrifuges de la guerre civile disloqueront l’Etat ukrainien en
plusieurs fragments indépendants.
D’après une citation connue
attribuée à Henry Kissinger, la guérilla gagne si elle ne perd pas.
C’est ce scénario qui se joue actuellement à Donetsk et à Lougansk. La
junte ukrainienne ne possède pas les forces et ressources indispensables
pour mener à terme l’opération punitive. Si l’armée, la garde nationale
et les mercenaires ne parviennent pas à prendre Slaviansk et
Kramatorsk, dont la population est légèrement supérieure à 100 000
habitants, la probabilité d’un assaut réussi de villes aussi grandes que
Donetsk et Lougansk est presque nulle. Il y a certes la possibilité
consistant à réduire ces villes en cendres par des tirs de
lance-roquettes multiples et des raids aériens, mais Kiev risque alors
de faire face à une ingérence extérieure. Prendre et maintenir le
contrôle de Lougansk et de Donetsk sont deux tâches irréalistes pour
l’armée ukrainienne dans son état actuel. Tôt ou tard, le nouveau
président ukrainien devra engager es négociations avec l’aile politique
des insurgés. Faire traîner en longueur l’ouverture des négociations
multiplie les chances de voir apparaître des foyers de résistance armée
dans d’autres régions de l’Ukraine. Le récent congrès des leaders du
Sud-est de l’Ukraine a déjà formulé le projet visant à retirer du
contrôle de Kiev neuf régions du Sud-est ukrainien.
Les opposants au pouvoir de
Kiev n’ont pas d’opinion commune sur le format et les objectifs des
négociations. D’aucuns se prononcent pour le fédéralisme, d’autres pour
la séparation définitive de l’Ukraine. Une chose est cependant évidente :
le sang versé et des centaines de victimes parmi la population civile
rendent absolument inacceptable pour le Sud-est de l’Ukraine le maintien
du format unitaire actuel de l’Etat ukrainien.
Il convient de retenir que la
Novorossia n’est pas l’unique partie des conflits ukrainiens intérieurs à
vouloir se distancier du régime xénophobe de Kiev. Les déclarations du
Premier ministre de Hongrie Viktor Orban sur la nécessité d’accorder une
autonomie aux Hongrois de Transcarpatie accueillies avec enthousiasme
et espoir par les Hongrois ukrainiens ont démontré que la Hongrie était
elle aussi intéressée au changement du format de l’Etat ukrainien.
L’apparition d’un groupe d’initiative se fixant pour but la mise en
place d’une autonomie culturelle nationale est un résultat logique de
cette politique. Dans une interview accordée à Pravda.ru, le chargé de recherche à l’Institut du slavisme de l’Académie des sciences de Russie Piotr Iskenderov a noté :
« Orban
peut en effet compter sur le soutien de la Russie, Budapest et Moscou
ont des intérêts communs en Ukraine. Ces derniers résident dans le
soutien de leurs compatriotes, des minorités nationales. Ainsi les
représentants de la Hongrie au Parlement européen ont ouvertement
déclaré que la Russie avait le droit de rattacher la Crimée et que, par
conséquent, la Hongrie avait le droit de rattacher la Trsancarpatie. Il
convient de comprendre que le sujet est très délicat, c’est pourquoi il
ne s’agit pas de négociations directes entre Moscou et Budapest sur la
situation en Ukraine, mais de consultations secrètes dans les coulisses
portant sur la mise au point d’une stratégie commune dans les rapports
avec Bruxelles et Washington ».
Si cette supposition est
proche de la vérité, Viktor Orban aura une chance unique de bénéficier
de l’exacerbation de la guerre civile dans l’Est de l’Ukraine pour
ouvrir un « deuxième front » en Transcarpatie. Les ressources de Kiev
touchent à leur fin et l’apparition d’une nouvelle source de tension
sera un coup dur pour la capacité de l’armée ukrainienne de concentrer
ses forces sur les axes clés du conflit, mais en plus pourra briser la
volonté de résistance des autorités de Kiev. Il est évident que dans
cette hypothèse la Novorossia et la Transcarpatie pourront s’entretenir
avec Kiev en position de force et obtenir une large autonomie dans le
cadre d’un nouveau Etat fédéral ou même réaliser le modèle confédéral à
l’instar de la Bosnie-Herzégovine.
On peut dire que dans une
certaine mesure, l’avenir de l’Ukraine dépend non seulement de Moscou,
Washington, Bruxelles et Kiev, mais aussi de Budapest, qui devra décider
comment bénéficier d’une chance risquée mais attrayante de redécouper
les résultats de l’histoire du XXe siècle.
Source : La Voix de la Russie
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